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Des portes du Sundgau au piémont des Vosges

A la fin de la première guerre mondiale, l’Alsace redevient française. Le 1er Août 1919, Monseigneur RUCH, originaire de Nancy mais de parents alsaciens, est nommé évêque du diocèse de Strasbourg. Comme il y a pénurie de pédagogues sachant enseigner dans la langue de Molière, il fait appel aux Frères Maristes pour s’occuper du Petit Séminaire de Zillisheim. Dès 1920, la congrégation s’installe aux portes du Sundgau.

Les Frères Maristes resteront près de 20 ans sur les bords du canal du Rhône au Rhin. Progressivement, de jeunes professeurs francophones issus du diocèse prennent leur relais. Leur présence, à Zillisheim, n’est plus indispensable. Cependant, Mgr RUCH souhaite leur implantation définitive en Alsace. En 1937, ils se mettent en quête d’un endroit susceptible de les accueillir.
Les deux métropoles haut-rhinoises étant déjà pourvues d’écoles libres, leur choix selon un voeu de Mgr RUCH, se porte sur la région comprise entre Colmar et Mulhouse. Au piémont des Vosges, on leur propose initialement une ancienne usine, désaffectée. Celle-ci se trouve à Guebwiller, derrière l’église Notre-Dame. Le 4 Mars 1938, le directeur du Petit Séminaire de Zillisheim s’informe auprès du Recteur d’Académie sur les formalités à remplir en vue d’obtenir l’autorisation pour un éventuel transfert des «classes modernes» de son établissement à Guebwiller, où les Frères Maristes désiraient ouvrir une école.
Mais l’exiguïté du site qu’on leur propose dans la capitale du Florival restreint considérablement leurs projets d’aménagement d’un établissement scolaire. Ainsi, petit à petit, ils abandonnent l’idée d’une installation à Guebwiller. Fin Novembre 1938, le Maire de la ville prie le R. F. Provincial de bien vouloir l’informer si les frères envisagent toujours la création d’une école libre dans la cité.
Depuis quelques temps, les frères s’intéressent à une vaste propriété située à Issenheim. Il s’agit du domaine GAST, un complexe composé d’une villa du 19e siècle, flanquée d’un coquet manoir en colombage. Ces bâtiments sont entourés d’un magnifique parc. L’endroit était autrefois le siège de la Seigneurie d’Issenheim. Vendu comme Bien National après la Révolution Française, il fut acquis par un ancêtre de l’industriel Edouard GAST, décédé en 1935.
Au printemps 1939, le représentant des Frères Maristes mène activement les tractations concernant l’achat de la propriété. Le 23 Mai, François GAST un des héritiers, demande la régularisation imminente de la vente. L’acte officiel est signé le 25 juillet. Les héritiers GAST cèdent leur propriété à l’Association Catholique d’Education d’Issenheim, récemment créée, moyennant le prix de 225 000 F.

Dans la foulée, est effectuée une importante commande de matériel pédagogique, ainsi que la souscription d’un abonnement téléphonique. Le 9 Octobre, le Ministre de l’Education Nationale Jean ZAY autorise l’ouverture de l’école. Pour la première année, cet établissement secondaire comprend les classes de 8e, 7e et 6c. Comme précédemment convenu, y seront employés les Frères Maristes qui dirigent ces classes au Collège Episcopal de Zillisheim.
Tout est donc prêt pour le démarrage officiel du Collège d’Issenheim. Malheureusement, le sort en décide autrement. La deuxième guerre mondiale vient d’éclater.
Elle soumettra l’Alsace à une série d’épreuves de plus en plus cruelles. Une nouvelle page de notre histoire va s’ouvrir…

La prise de guerre

L’état des lieux

Au début de la guerre, la propriété de l’Association Catholique d’Education d’Issenheim comprend quatre constructions bien entretenues, situées au sein d’un magnifique parc aux essences rares. La grande maison destinée à abriter les salles de classe et l’internat de l’Institution Mariste, n’est autre que l’ancienne villa de la famille industrielle GAST.
Vraisemblablement construite au début du 19e siècle, cette habitation a été agrandie et restructurée en 1852 et 1860. Il s’agit d’une imposante bâtisse de style moderne, surmontée d’une toiture plate.
A main gauche, au fond de la cour, un autre bâtiment abrite les garages, la buanderie, la salle de bains ainsi que différentes pièces d’habitation. Cette coquette maison à colombage est recouverte d’un toit pentu à tuiles plates. Il s’agit du “chalet” qui, après-guerre, accueillera la cuisine et le réfectoire de l’Institution Champagnat.
A ses côtés, s’élève une petite maisonnette en briques apparentes. A l’entrée de la propriété se trouve la conciergerie. Sa construction remonte à 1865. C’est
conciergerie petite habitation à deux étages avec un toit plat couvert de lames de zinc. Elle servait de logis au portier des GAST.

L’état de guerre

La déclaration de guerre empêche l’ouverture du Collège d’Issenheim, prévue pour Octobre 1939. Dès le mois de Septembre, l’immeuble est occupé par la troupe. En cet automne, les écoles communales tardent aussi à rouvrir leurs portes. Les menaces de bombardements incitent l’Inspection Académique du Haut-Rhin à exiger la dispersion des classes en différents lieux de la Commune.
Le 25 Octobre 1939, le Conseil Municipal d’Issenheim décide le transfert d’une classe de garçons en la maison d’œuvre du Cercle des jeunes gens. Dans le même temps, deux classes de filles sont installées dans la propriété des Frères Maristes. L’Ecole maternelle restera provisoirement fermée.
Dans l’ancienne propriété GAST, les Frères Maristes mettent gracieusement leur nouveau mobilier scolaire à la disposition de la Commune d’Issenheim. Les deux parties conviennent pour plus tard d’un éventuel règlement des dégradations.

L’état de siège

Le 18 Juin 1940, l’ennemi pénètre dans Issenheim. Dans la Pfleck, une malheureuse altercation entre soldats allemands et un habitant du lieu tourne à la
tragédie. Le village y déplore la première victimecivile de la guerre.
Le 25 Juin, l’armistice est signé avec l’Allemagne. L’Alsace est rattachée au Reich. A Issenheim, comme ailleurs, l’occupant impose à sa manière l’idéologie dominante. En Février 1941, le parti nazi NSDAP «choisit» quatre nouveaux «Gemeinderâte».
Le 17 Juillet 1942, l’Association Catholique d’Education d’Issenheim est dissoute. Son immeuble est attribué à la NSDAP, pour les besoins du groupe local qui en fait son «Parteihaus». Dès lors, les ouvriers travaillant à l’usine toute proche, traversent constamment la propriété. Avec la Hitlerjugend des environs ils pillent et dégradent les arbres fruitiers. Le jardin potager est morcelé en 11 parcelles qui sont distribuées à certaines familles du lieu. Dans la propriété séquestrée les nouveaux maîtres installeront par la suite un jardin d’enfants.

La libération

Début Février 1945, se déroule la dernière étape de la bataille pour la réduction de la poche de Colmar. Les combats ont lieu dans d’effroyables conditions atmosphériques : tempêtes, chutes de neige, verglas, pour finir en inondations. La résistance allemande n’est plus que sporadique et de courte durée. L’ennemi s’acharne surtout à défendre quelques positions stratégiques qui lui permettent d’assurer sa retraite dans les meilleures conditions possibles.

Depuis la fin 1944, l’aviation alliée en fait ses cibles privilégiées. A Issenheim deux obus enlèvent l’angle supérieur de la face Nord de l’ancienne villa GAST. Les nombreux éclats causent d’importants dégâts au siège local du NSDAP. Ils ne font qu’aggraver une situation largement précarisée par cinq années d’occupation.
Issenheim est libérée le 4 Février à 17 h 30. Les premières troupes motorisées françaises trouvent l’ancienne propriété mariste dans un état plus que déplorable.

Le retour des Frères

Dès le printemps ’45, les Frères Maristes reviennent à Issenheim. Le 14 Avril, se réunit à Guebwiller, le Comité de l’Association Catholique d’Education. Le Frère Louis Edmond ONIMUS, originaire de Rumersheim, assiste à cette réunion. On y décide d’entreprendre les démarches nécessaires au retour à l’Association de la propriété séquestrée par les Allemands, ainsi que de faire établir par expert les dommages subis. Les membres présents sont unanimes à juger qu’un frère de la Congrégation soit à demeure dans la maison, ceci sans interruption.
Fin Avril, l’architecte contacté par Frère Edmond établit son rapport. Début Mai, les maçon, ferblantier, menuisier, forgeron-serrurier,-serrurier, peintre, tous artisans d’Issenheim, entreprennent les premiers travaux de réparation.